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Capitaine Nô et Possession Simple
En spectacle au Spectrum ce soir, 20h30.
Sylvain Cormier
Quand je croise le Capitaine Nô une fois les mises à jour complétées, on finit toujours par causer nouveaux disques. « As-tu entendu le nouveau Gary Moore? Comment tu le trouves? » Pur échange d'impressions et d'informations entre passionnés : le baroudeur des mers intérieures affectionne le blues, le r’n’b, le soul et il en consomme en quantité industrielle. Partout où l’on troque des disques usagés, la trogne sympathique du Cap est bien connue : insatiable, il achète, teste, soupèse, évalue et tranche. Le Capitaine Nô sait ce qu'il veut, et il n'a pas de temps à perdre.
Depuis le temps qu'il m'invite dans son rafiot-bungalow de Laprairie, histoire d'écouter nos récentes trouvailles et d’en jaser, l'occasion s'est enfin présenté : le Cap. et son Bing Bang Bans de huit flibustiers triés sur le volet (dont trois cuivres prêts à tout) partagent ce soir la scène du Spectrum et celle du Capitole à Québec demain•.avec l'excellent groupe rock Possession Simple, dans le cadre du traditionnel show Bud du mois (gratuit avec laissez-passer). Le marin d’eau douce fait escale si rarement que chaque bordée, pour ceux qui, comme moi, affectionnent son Chicago r'n'b à la québécoise - ses rimes et ses bleus, cornme.il.dit.- est un événement notable.
La dernière fois; c'était en octobre aux Francofolies de Montréal. Quand on pense que ceux-là ne se retrouvent qu’une ou deux fois avant chaque sortie, on est toujours étonné de l’efficacité des manœuvres. Le Capitaine; visiblement, a de la poigne et sait se faire comprendre.
Pas surprenant, donc, que son pied-à-terre soit un modèle d’utilisation de l’espace. Quand on pénètre dans la cale... euh… dans le sous-sol - ça devient épuisant, à la fin, la, métaphore maritime - on est frappé simultanément par la quantité effarante de casettes, de vidéos, de magnétoscopes, de haut parleur, de lecteurs compacts, d’amplis et de guitares, et par l'absence quasi absolue d'encombrement. Tout est rangé; ordonné, méticuleusement classé. Le Capitaine est un maniaque de l'organisation.
Première évidence, le Capitaine n’est pas, comme le collègue Serge Truffaut, un découvreur de trésors enfouis dans la mémoire du temps. Il aime le blues, le r'n'b et le soul qui se joue aujourd’hui et n‘a que faire des grands anciens vieillissants. S'ils déplacent encore de l’air, d'accord. « Les trois derniers albums d’Etta James sont excellents de bord en bord. » John Lee Hooker? « Il est très fort avec Carlos Santana sur The Heafer, quand il se contente de chanter. Mais quand il joue, c'est trop approximatif. » Si le jeu perd en cohésion, légende ou pas, il discarte. « J'aime ce qui est bien produit. Mais seulement ce qui est sorti directement en CD, de 1988 en montant. Par goût du bon son et pour comparer avec ce que je fais pour voir si j'ai atteint un niveau de réalisation raisonnable.»
L’homme est exigeant. Le dernier 'Chris Rea, God’s Great Banana Skin ? Pas de problème. Valeur sûre,guitariste exceptionnel, réalisation irréprochable. « C'est un virtuose et il a une voix immense.» Le tout récent Robben Ford & The Blue Line ? « Je sais immédiatement que c’est solide et que je vais savourer chaque pièce des semaines s’en m'en lasser ». Les Arc Angels? « Ça, ne vaut pas cher la tonne.» Le Capitaine a l’oreille entraînée, et détecte les moindres failles, des changements de tempo, par exemple, qui m'étaient totalement imperceptibles avant qu’il ne me les signale.
Je suis reparti très tard dans la nuit avec mes compacts, laissant le Capitaine Nô avec ses cassettes, ses rubans, ses guitares remontées; ses rîmes, ses bleu et nouvelle liste d'achats. De quoi le rassasier jusqu'au show du Spectrum, me suis-je dit, optimiste. Rassasier le Capitaine ? Ce soir, il bien capable de vous bouffer tout rond.
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