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Que l'impression soit fondée ou pas, Michel Latraverse donne souvent celle d'avoir mauvaise conscience d'être Plume, Pierre Leith au contraire a l'air d'être fier d'être le Capitaine Nô.
Les artistes qui ont connu des succès plus ou moins volontaires ces dernières années avec des chansons parodiques aux textes simplistes (pensons au « Ginette » de Beau Dommage, au « Je suis cool », de Valiquette et au « Bobépine » de Plume) ont donné ensuite l'impression d'être atterrés par le succès de ces œuvres dont ils ont vite cherché à se débarrasser. Le Capitaine Nô, au contraire assume « Baloney » jusqu'au bout et termine toujours son spectacle avec. Par ailleurs face à nombre de chansonniers qui s'entêtent encore après des années à faire des carrières mineures en faisant comme s'ils n'avaient pas de limites (de compositeur, d'auteur, de musicien, de chanteur d'interprète ou de « performer »). Pierre Leith paraît avoir saisi ses capacités avec une intelligence et un sens critique rare tout en créant le personnage du Capitaine Nô, il a su maximiser ses atouts, minimiser ses faiblesses et théâtraliser sa personnalité pour se créer un rôle à sa mesure dans lequel il est tout simplement brillant.
Le spectacle du Capitaine Nô que j'ai vu à l'Outremont samedi soir était donc excellent, bien qu'un peu trop long compte tenu de l'absence presque complète de surprises dans ce répertoire qui reste encore trop uniforme.
C'était la troisième fois que je voyais le Capitaine que j'avais vu à l'époque où il faisait les boîtes de la relève tout seul avec sa guitare et que j'ai revu à l'Évêché en janvier avec un orchestre. De fois en fois et même depuis la dernière qui est récente, son spectacle est nettement amélioré à tout point de vue. A l'Outremont, il était accompagné par Gilles Beaudoin à la guitare, Yves Leonard à la basse, Isengourd Nor à la batterie, André Proulx au violon et aux claviers et Jim Fly (?) aux claviers également tandis que le Capitaine lui-même se chargeait de la guitare rythmique et de l'harmonica. Je ne sais pas quelle somme de travail ils y ont mis, mais cette formation qui était déjà la même à l'Évêché (sauf pour le batteur et moins le deuxième claviériste si ma mémoire est bonne) est devenu incomparablement « tight » pour l'ensemble et superbe pour le travail de chacun (Beaudoin, Léonard et Nor entre autres se révèlent étonnants dans le blues et le rock'n roll).
Le Capitaine lui-même améliore aussi chaque fois ses monologues, calcule mieux ses effets, et donne dans 1'ensemble un spectacle qui en fait un maître du blues québécois et qui, assez curieusement, est drôle et revigorant malgré son image d'éternel perdant.
Les Frères Brothers
En première Partie du Capitaine Nô, Beau Bec présentait les Frères Brothers (à ne pas confondre avec les Frères Brosse) qui sont un duo de fantaisistes nouveaux représentant une nouvelle génération du rire au Québec. Leur spectacle, dont le cadre est une quelconque émission de télévision, présente une galerie de personnages qui ont en commun d'être inconnus, quotidiens et banals, donc tout le contraire de la galerie de célébrités de Jean-Guy Moreau. Leurs propos absurdes et incohérents les distinguent également de Moreau mais aussi de ceux de Deschamps. L'un et l'autre, Moreau et Deschamps, font la satire d'un monde qu'ils ne rejettent pas et dans lequel ils se situent eux-mêmes. Les Frères Brothers au contraire, comme les Mimes électriques ou Cheech & Chown (orthographe approximative) aux États-Unis, se situent globalement en dehors d'un monde qui est devenu pour eux complètement incompréhensible et ridicule : c'est la nouvelle culture qui regarde son environnement comme si c'était la planète Mars, provoquant un rire constant, énorme, féroce.
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