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Un retour étonnant pour les vieux, une découverte surprenante pour les plus jeunes ! La légende du Capitaine Nô refait surface. Mais prenez garde, si les gens ne se réveillent pas, le Capitaine retournera mener sa barque dans l'ombre... Pourtant, il suffirait que certains directeurs musicaux comprennent que s'ils ont du plaisir à écouter le nouvel album du Capitaine Nô dans leur salon, leurs auditeurs aussi en auraient. Un déclic plus que souhaitable pour ouvrir les horizons du paysage radiophonique québécois. Malgré cet appui qui tarde toujours à venir du côté des radios privées, le Capitaine Nô prend la vie du bon côté. (« J'espère que ça va être mon année, que j'vas péter au grand jour y faut que je sorte de l'underground où je suis très connu. Écoute, mon nom est connu à travers le Québec. Je m 'en vas à Plattsburgh et on me reconnaît! Même à Old Orchard l'été ! »
Faut dire que depuis près de 20 ans, le Capitaine Nô a brûlé presque toutes les planches des bars et salles de spectacle du Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. En 1964, les débuts amateurs du Capitaine, sous son vrai nom Pierre Leith, se font avec Les Stones. À cette époque où les musiciens avaient les cheveux en brosse (même Gerry), ou peignés par en arrière avec du gras comme Elvis, le Capitaine avait les cheveux longs dans la face. D'ores et déjà innovateur et en marge. D'un autre côté, sa passion à l'époque, les arts visuels, l'a amené à compléter un DEC en arts appliqués au cégep du Vieux Montréal. (« J'aurais peut-être « clenché » tout de suite sur la musique, mais c'étaient les sœurs qui l'enseignaient, alors ça me tentait pas, Et la musique pour moi, c'est naturel, instinctif, j'ai pas de formation académique ». Les influences américaines et britanniques de cet autodidacte témoignent que les chansonniers, c'étaient pas son fort ! Une autre école, quoi. « Mes bases, mes racines, c'est le rythm'n'blues' les AnimaIs, Eric Burdon, les Beatles et les Rolling Stones. Ces gars-là jouaient du Moody Waters et du Chuck Berry. Et c'est grâce à eux si les Américains ont connu la musique noire. Guitare acoustique à la main et harmonica accroché au cou, exactement comme Bob Dylan dont je savais toutes les chansons par cœur, je chantais en anglais, sans trop savoir ce que ça voulait dire ».
Les syndicats, c'pas pour c't'année !
Mais lorsqu'il endisque son premier 45 tours en 1972, à l'âge de 22 ans, Pierre Leith sait ce qu'il chante. Suite à l'emprisonnement de Pépin, Charbonneau et Laberge, il écrit Les Syndicats pour sympathiser à leur cause. Une conscience sociale qui ira toujours de pair avec la verve du Capitaine. « Moi, j'étais pas barré. J'allais partout avec mon démo, je cognais à toutes les portes des radios et des télés. C'est comme ça que j'ai réussi à enregistrer mon 45 tours avec Tony Roman, Walter Rossi et mes musiciens de Laprairie ». Et il y tient à sa Laprairie natale. Têtu. Enraciné.
L'année suivante, Pierre Leith décide de faire carrière sous le pseudonyme du Capitaine Nô. « Parce que Pierre Leith, personne est capable de l'écrire comme il faut du premier coup! Et comme j'étais un gars assez contestataire dans mes chansons, j'avais le goût de faire comme les vengeurs, une sorte de Capitaine America ! » Puis coup sur coup, en 1975 et 1976, le Capitaine Nô accouchera de deux albums comprenant des classiques comme André, Personne ne m 'aime, Baloney et La Gaspésie. L'engouement considérable pour ses chansons plutôt originales amènera le Capitaine à donner plus de spectacles par année.
Difficile
Le Capitaine Nô, malgré un certain succès populaire, demeure aussi intransigeant. Il perd quelques années dans des démêlés avec l'étiquette RCA dont il se libère. Il sort ensuite en 1981 un troisième album, le Capitaine Nô et le Big Bang Band, sur sa propre étiquette. Finis les problèmes de contrats! Pendant tout ce temps, la comparaison avec Plume l'a beaucoup marqué. « Le beurre et la margarine, on avait un peu le même créneau. La barbe, la musique à bouche dans le cou, la guitare sèche, les cheveux longs et le parler cru et direct. On se ressemblait. Mais les gens ont fait un peu comme à la lutte, le bon et le méchant. On n'en a pris qu'un ».
Le téléfon' qui son' !
En 1985, le Capitaine Nô vient de terminer une démo qui comprend les chansons Cocoman, Dur à avaler et Tout un vendredi. Sans réponse des compagnies de disques, un peu las, le Capitaine se tanne. Il se part alors une compagnie de spectacles, Les Productions C.A.P. Le Capitaine redevient ainsi Pierre Leith dorénavant gérants d'artiste. Virage quelque peu surprenant pour un artiste incapable d'endurer l'autorité. Il prend même le temps d'informatiser le tout et de créer un logiciel. «A un moment donné, je me suis tanné de répondre au téléphone et de faire de la job de bureau. Et comme d'autres font du sport à la fin de semaine, moi, j'allais en studio enregistrer des tounes avec mes chums! »
Y se passe de quoi...
Alors surgit le Cocoman et plusieurs autres titres de son dernier album sorti il y a plus de 2 mois. Sur les Disques Réso une nouvelle étiquette. Une réalisation de l'illustre Guy Rhéaume (Charlebois, Forestier, Pagliaro et on ne les compte plus !), également à l'origine du premier album du Capitaine. (« Sur mes longs jeux, Je fais mes pochettes, des arrangements, je joue dedans, je mixe et toute la poutine! »
« À pied dans le métro/Avec mes posters du Capitaine Nô Ma guitare dans ma main/Quatre joints pour mon show »
Le blues du Cap/Difficile/1976
Le Capitaine n'a pas changé. Avec un son rythmtn'blues entraînant. Un humour grinçant. Une ironie délectable. Des textes pertinents, un enrobage musical riche (guitares, claviers, cuivres). Un résultat unique. Un plaisir certain pour vos oreilles. Que dis-je un fun noir! Vous n'envisagerez plus de fin de semaine avant d'écouter Tout un vendredi. Vous ne déprimerez plus sans vous référer à Dur à avaler, Vous ne pourrez tout simplement plus vous en passer ! (« Dans un sens, mon album c'est presque le Journal de Montréal... Ça parle de toutes sortes de choses de la vie quotidienne : le couple, les jeunes, le suicide, la guerre, la drogue, l'écologie, l'impuissance, etc. »
Reste simplement à espérer que le Capitaine Nô ait le même tirage que le célèbre quotidien de Péladeau ! L'homme qui voulait, vous avez dit?
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